Deux avocats –Omer Shatz, membre de l’ONG Global Legal Action Network et Juan Branco, dont le livre Crépuscule a récemment créé la polémique en France– ont déposé une plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) à Paris le 3 juin dernier.
Cette plainte qualifie de crimes contre l’humanité les politiques migratoires des États membres de l’Union européenne (UE) en Méditerranée. Selon le journal Le Monde: «Pour les deux avocats, en permettant le refoulement des migrants en Libye, les responsables de l’UE se seraient rendus complices “d’expulsion, de meurtre, d’emprisonnement, d’asservissement, de torture, de viol, de persécution et d’autres actes inhumains, [commis] dans des camps de détention et les centres de torture libyens”.»
Les deux avocats ont transmis un rapport d’enquête de 245 pages sur la politique méditerranéenne de l’UE en matière de migration, à la procureure de la Cour, Fatou Bensouda, qui doit décider si elle souhaite ouvrir une enquête préliminaire sur la criminalité liée au traitement des migrants en Europe.
C’est le fruit de deux ans d’enquête men@shatzomer, qui nous ont amené à considérer que des crimes contre l’humanité avaient été planifiés et exécutés de façon consciente par nos dirigeants européens. Le document de 250 pages est accessible ici: we.tl/t-EZxAILiU5k
Ils démontrent que la politique migratoire de l’UE est fondée sur la dissuasion et que les migrant·es noyé·es sont un élément délibéré de cette politique. Le droit international qu’ils allèguent avoir été violé –les crimes contre l’humanité– s’applique aux politiques étatiques pratiquées même en dehors des conflits armés.
Sur les plans doctrinal et juridique, la CPI peut agir. La question qui demeure est politique: la CPI peut-elle et doit-elle s’en prendre à ses fondateurs sur leurs propres territoires?
Il y a deux raisons pour lesquelles la réponse est catégoriquement oui. Premièrement, la plainte porte sur ce qui est devenu une impasse en matière de droits au sein de l’UE. En s’attaquant à un domaine qui paralyse d’autres cours supranationales, la CPI peut remplir son rôle d’institution judiciaire de dernier ressort. Deuxièmement, en se tournant vers ses fondateurs (et ses bailleurs de fonds), la CPI peut répliquer à ses détracteurs qui l’accusent d’avoir adopté une posture néocolonialiste vis-à-vis du continent africain, une image qui la poursuit depuis au moins la dernière décennie.
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