Le coup d’éventail du dey d’Alger a servi de prétexte à la conquête coloniale de l’Algérie. Voyons avec ce texte de Robert Louzon disponible aux éditions Acratie et sur le site noir du colonialisme, ce qui a suivi.
Voir aussi l’article : Le 24 janvier 1845 en Algérie : «Je brûlerai vos villages et vos moissons» (Bugeaud)
Ainsi que la loi scandaleuse de falsification du 23 février 2005.
Quarante années de massacres
Donc, le 14 juin 1830, les troupes françaises débarquèrent à Sidi Ferruch, plage de sable située à une vingtaine de kilomètres d’Alger, et quelques jours après, Alger attaqué à revers, tombait; le 5 juillet, le dey capitulait. Le «coup d’éventail» était donc «vengé»; le blé que le dey avait fourni à la France n’aurait plus à lui être payé, ni les fortifications de la Calle à être démolies.Il restait à conquérir l’Algérie.Cela allait demander quarante ans, près d’un demi siècle.

L’Honneur kabyle
Devant cette barbarie, on se sent poussé à rechercher quelques gestes qui fassent exception, quelques gestes de générosité, quelques gestes d’honneur.On les trouve.Mais on les trouve de l’autre côté de la barricade; on les trouve chez les «barbares», chez ceux qui étaient en état de légitime défense, chez ceux qui étaient à la fois les plus faibles et les moins «civilisés».Un seul acte de cruauté a pu être reproché à Abd el Kader, commis non pas par lui, mais par un de ses lieutenants.Le 24 avril 1846, un an à peine avant la reddition d’Abd el Kader, alors que celui-ci était aux abois, qu’il n’avait plus rien à donner à manger aux prisonniers, ni même suffisamment d’hommes pour les garder, alors qu’Abd el Kader avait écrit lettres sur lettres pour négocier l’échange des prisonniers et qu’on ne lui avait répondu qu’en jetant en prison celui qu’il avait envoyé pour traiter de cet échange, et alors qu’il était personnellement à plusieurs centaines de kilomètres du lieu où étaient gardés les prisonniers, l’un des deux khalifas chargé de leur garde, Mustapha ben Thamin, ne pouvant plus nourrir les prisonniers (l’autre voulant, au contraire, les relâcher), les fit tuer (Colonel Paul Azan : L’Emir Abd el Kader, p. 221 et suivantes, et aussi p.295..) C’était la réplique aux enfumades du Dahra. Mais, jusque-là, durant quinze années pendant lesquelles il s’opposa à la France, la manière dont Abd el Kader avait traité les prisonniers avait toujours été empreinte de la plus grande générosité; il les échangeait quand il le pouvait; sinon, il les libérait sans condition le jour où il ne pouvait plus les nourrir. Nos soudards en étaient tout éberlués :«Abd el Kader, écrit Saint-Arnaud, le 14 mai 1842, nous a renvoyé sans condition, sans échange, tous nos prisonniers. Il leur a dit : « Je n’ai plus de quoi vous nourrir, je ne veux pas vous tuer, je vous renvoie ». Le trait est beau pour un barbare» (Lettres du Maréchal Saint-Arnaud, tome I, p. 385.)Saint-Arnaud, évidemment, n’en aurait point fait autant. La «civilisation» bourgeoise est, par définition, exclusive de toute générosité.Quant à la manière dont les prisonniers étaient traités pendant leur détention, rien n’en témoigne mieux que ce trait de l’un des prisonniers faits à Sidi-Brahim. Celui-ci termine ses mémoires en rappelant que lorsqu’ Abd el, quelques années après sa reddition, vint à Paris, il offrit, lui, pendant trois jours, dans sa propre famille, l’hospitalité à trois domestiques d’Abd el, qui avaient été ses geôliers, puis, ses fonctions de surveillant aux Tuileries l’ayant mis, quelque temps plus tard, en présence d’Abd el et de deux de ses principaux lieutenants, le khalifa Sidi Kadour ben Allel et l’intendant Kara Mohammed, ces deux hommes et leur ancien prisonnier se serrèrent affectueusement les mains, car, dit Testard, «l’un et l’autre avaient été bons pour moi et j’eus du plaisir à les revoir.» ( Hippolyte Langlois : Souvenirs d’un prisonnier d’Abd el Kader, p. 350.)Combien d’Arabes prisonniers des Français en auraient pu dire autant?Mais ceux dont l’attitude marqua l’antithèse la plus frappante avec la manière dont la bourgeoisie comprend la guerre, furent les Kabyles.Les Kabyles sont des guerriers. Ils sont traditionnellement habitués à se battre pour l’honneur, non pour le butin ou la conquête. Lorsqu’un dommage avait été causé à un habitant d’un village par un habitant d’un autre village, on vengeait l’honneur par un combat, mais combat qui ne se terminait jamais par l’expropriation des vaincus. De telles guerres étaient donc aussi différentes d’une expédition coloniale que d’un duel l’est d’un assassinat.Ces guerres, dès lors, étaient soumises, tout comme l’est le duel, à des règles, à un véritable Code d’honneur. Ce code, les Kabyles continuèrent à l’appliquer, même contre leurs envahisseurs.C’est ainsi que lors du soulèvement de 1871, les Kabyles prévinrent les colons avant de les attaquer ( Rinn : L’insurrection de 1871 en Algérie, p. 203.). Et ceux des colons qui, au lieu de partir ou de résister, se mirent sous la protection d’un kabyle, sous son «anaia», purent vivre en pleine sécurité durant toute l’insurrection, en plein pays insurgé.Ce fut notamment le cas de 39 habitants de Bordj Menaïel, auxquels le marabout Si Moussa ben Ahmed avait proposé lui-même de se mettre sous son «anaia»; ce fut également le cas du maire de Bordj Menaïel qui alla se mettre sous la protection des habitants du douar Rouaffa; et aussi le cas de 30 voyageurs de la diligence de Dellys qui, sur le conseil de l’amine Omar Benzaman allèrent se réfugier dans le caravansérail, et sous la protection d’Azib Zamoun(Rinn : L’insurrection de 1871 en Algérie, pp. 243 et 245.)Or, ce qui est remarquable, c’est que ces Kabyles, sous la protection desquels vécurent les Français, n’étaient nullement traîtres à leurs compatriotes, ni même des partisans tièdes de la cause kabyle, ils étaient au contraire au premier rang des combattants, s’opposant avec l’extraordinaire courage de leur race, à l’avance des troupes françaises.Ce qui n’empêcha pas le gouvernement de la République de commettre à l’égard des insurgés kabyles la même monstruosité que celle qu’il commettait, au même moment, à l’égard des insurgés parisiens : faire poursuivre, condamner et exécuter les chefs de l’insurrection comme coupables de crimes de droit commun! Comme Ferré, Boumezrag, frère de Mokrani et successeur de celui-ci à la tête de l’insurrection, fut condamné à mort pour pillage et assassinat! Thiers ne se contentait pas de tuer; en Afrique comme à Paris, il lui fallait déshonorer.L’expropriation«La liberté des habitants de toutes les classes, leur religion, leurs propriétés, leur industrie ne recevront aucune atteinte… Le général en chef en prend l’engagement sur l’honneur.»Général de Bourmont (5 juillet 1830)La bourgeoisie tue, mais il faut lui rendre cette justice qu’elle ne tue pas pour le plaisir; elle tue pour que ça lui rapporte.Le fer de Lorraine et le coke de la Ruhr furent l’enjeu de la guerre aux millions de cadavres; l’expropriation des indigènes, la réduction des indigènes à l’état de prolétaires, de producteurs travaillant pour la plus-value sur les terres que jusque-là ils cultivaient librement, tel est le but de toute conquête coloniale; tel fut le but de la conquête de l’Algérie.«Les propriétés des habitants ne recevront aucune atteinte…» Tel était l’engagement solennel qu’avait pris la France, le 5 juillet 1830, en entrant à Alger.
Non! Pélissier, qui en a porté jusqu’ici la responsabilité devant l’histoire, n’a été qu’un exécutant. La responsabilité remontait plus haut; elle remonte directement au plus haut représentant de la France en Algérie, à celui qui, pendant sept années, fut, au nom de «la France», le maître à peu près absolu de l’Algérie, le gouverneur général Bugeaud, duc d’Isly; celui-ci avait en effet envoyé à Pélissier l’ordre suivant ( Revue hebdomadaire, juillet 1911, article du général Derrécagaix.)«Orléansville, 11 juin 1845«Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas! Fumez-les à outrance comme des renards.«Duc d’Isly»«Imitez Cavaignac» ordonnait Bugeaud.En effet, l’année précédente, Cavaignac, futur gouverneur général de la République en Algérie, futur emprisonné du 2 décembre, avait, lui aussi, le premier, enfumé «comme des renards» des Sbéhas réfugiés dans des grottes, «tribu vaincu», «tribu sans défense».Et deux mois après Pélissier, le 12 août 1845, Saint-Arnaud à son tour, près de Ténès, transformait d’autres grottes en «un vaste cimetière»; «500 brigands» y furent enterrés. Le seul résultat de l’interpellation à la Chambre des Pairs fut que Saint-Arnaud tint, à la différence de Pélissier, soigneusement caché son exploit : «personne n’est descendu dans les cavernes; personne… que moi… Un rapport confidentiel a tout dit au maréchal (Bugeaud), simplement, sans poésie terrible ni images.» ( Lettres du Maréchal Saint-Arnaud, tome II, p. 37.)Ainsi, depuis le républicain Cavaignac, jusqu’aux futurs bonapartistes Pélissier et Saint-Arnaud, en passant par le monarchiste Bugeaud, les hommes les plus représentatifs de tous les clans de la bourgeoisie française ont trempé directement dans ces actes où culminent les deux caractères dominants de la conquête de l’Algérie : la lâcheté et la férocité.Aucune des catégories de la bourgeoisie ne peut en rejeter la responsabilité sur les autres. Le colonialisme étant un produit spécifique du capitalisme, tout le capitalisme avait à se vautrer dans ses horreurs.L’Honneur kabyleDevant cette barbarie, on se sent poussé à rechercher quelques gestes qui fassent exception, quelques gestes de générosité, quelques gestes d’honneur.On les trouve.Mais on les trouve de l’autre côté de la barricade; on les trouve chez les «barbares», chez ceux qui étaient en état de légitime défense, chez ceux qui étaient à la fois les plus faibles et les moins «civilisés».Un seul acte de cruauté a pu être reproché à Abd el Kader, commis non pas par lui, mais par un de ses lieutenants.Le 24 avril 1846, un an à peine avant la reddition d’Abd el Kader, alors que celui-ci était aux abois, qu’il n’avait plus rien à donner à manger aux prisonniers, ni même suffisamment d’hommes pour les garder, alors qu’Abd el Kader avait écrit lettres sur lettres pour négocier l’échange des prisonniers et qu’on ne lui avait répondu qu’en jetant en prison celui qu’il avait envoyé pour traiter de cet échange, et alors qu’il était personnellement à plusieurs centaines de kilomètres du lieu où étaient gardés les prisonniers, l’un des deux khalifas chargé de leur garde, Mustapha ben Thamin, ne pouvant plus nourrir les prisonniers (l’autre voulant, au contraire, les relâcher), les fit tuer (Colonel Paul Azan : L’Emir Abd el Kader, p. 221 et suivantes, et aussi p.295..)C’était la réplique aux enfumades du Dahra. Mais, jusque-là, durant quinze années pendant lesquelles il s’opposa à la France, la manière dont Abd el Kader avait traité les prisonniers avait toujours été empreinte de la plus grande générosité; il les échangeait quand il le pouvait; sinon, il les libérait sans condition le jour où il ne pouvait plus les nourrir. Nos soudards en étaient tout éberlués :«Abd el Kader, écrit Saint-Arnaud, le 14 mai 1842, nous a renvoyé sans condition, sans échange, tous nos prisonniers. Il leur a dit : « Je n’ai plus de quoi vous nourrir, je ne veux pas vous tuer, je vous renvoie ». Le trait est beau pour un barbare» (Lettres du Maréchal Saint-Arnaud, tome I, p. 385.)Saint-Arnaud, évidemment, n’en aurait point fait autant. La «civilisation» bourgeoise est, par définition, exclusive de toute générosité.Quant à la manière dont les prisonniers étaient traités pendant leur détention, rien n’en témoigne mieux que ce trait de l’un des prisonniers faits à Sidi-Brahim. Celui-ci termine ses mémoires en rappelant que lorsqu’ Abd el, quelques années après sa reddition, vint à Paris, il offrit, lui, pendant trois jours, dans sa propre famille, l’hospitalité à trois domestiques d’Abd el, qui avaient été ses geôliers, puis, ses fonctions de surveillant aux Tuileries l’ayant mis, quelque temps plus tard, en présence d’Abd el et de deux de ses principaux lieutenants, le khalifa Sidi Kadour ben Allel et l’intendant Kara Mohammed, ces deux hommes et leur ancien prisonnier se serrèrent affectueusement les mains, car, dit Testard, «l’un et l’autre avaient été bons pour moi et j’eus du plaisir à les revoir.» ( Hippolyte Langlois : Souvenirs d’un prisonnier d’Abd el Kader, p. 350.)Combien d’Arabes prisonniers des Français en auraient pu dire autant?Mais ceux dont l’attitude marqua l’antithèse la plus frappante avec la manière dont la bourgeoisie comprend la guerre, furent les Kabyles.Les Kabyles sont des guerriers. Ils sont traditionnellement habitués à se battre pour l’honneur, non pour le butin ou la conquête. Lorsqu’un dommage avait été causé à un habitant d’un village par un habitant d’un autre village, on vengeait l’honneur par un combat, mais combat qui ne se terminait jamais par l’expropriation des vaincus. De telles guerres étaient donc aussi différentes d’une expédition coloniale que d’un duel l’est d’un assassinat.Ces guerres, dès lors, étaient soumises, tout comme l’est le duel, à des règles, à un véritable Code d’honneur. Ce code, les Kabyles continuèrent à l’appliquer, même contre leurs envahisseurs.C’est ainsi que lors du soulèvement de 1871, les Kabyles prévinrent les colons avant de les attaquer ( Rinn : L’insurrection de 1871 en Algérie, p. 203.). Et ceux des colons qui, au lieu de partir ou de résister, se mirent sous la protection d’un kabyle, sous son «anaia», purent vivre en pleine sécurité durant toute l’insurrection, en plein pays insurgé.Ce fut notamment le cas de 39 habitants de Bordj Menaïel, auxquels le marabout Si Moussa ben Ahmed avait proposé lui-même de se mettre sous son «anaia»; ce fut également le cas du maire de Bordj Menaïel qui alla se mettre sous la protection des habitants du douar Rouaffa; et aussi le cas de 30 voyageurs de la diligence de Dellys qui, sur le conseil de l’amine Omar Benzaman allèrent se réfugier dans le caravansérail, et sous la protection d’Azib Zamoun(Rinn : L’insurrection de 1871 en Algérie, pp. 243 et 245.)Or, ce qui est remarquable, c’est que ces Kabyles, sous la protection desquels vécurent les Français, n’étaient nullement traîtres à leurs compatriotes, ni même des partisans tièdes de la cause kabyle, ils étaient au contraire au premier rang des combattants, s’opposant avec l’extraordinaire courage de leur race, à l’avance des troupes françaises.Ce qui n’empêcha pas le gouvernement de la République de commettre à l’égard des insurgés kabyles la même monstruosité que celle qu’il commettait, au même moment, à l’égard des insurgés parisiens : faire poursuivre, condamner et exécuter les chefs de l’insurrection comme coupables de crimes de droit commun! Comme Ferré, Boumezrag, frère de Mokrani et successeur de celui-ci à la tête de l’insurrection, fut condamné à mort pour pillage et assassinat! Thiers ne se contentait pas de tuer; en Afrique comme à Paris, il lui fallait déshonorer.L’expropriation«La liberté des habitants de toutes les classes, leur religion, leurs propriétés, leur industrie ne recevront aucune atteinte… Le général en chef en prend l’engagement sur l’honneur.»Général de Bourmont (5 juillet 1830)La bourgeoisie tue, mais il faut lui rendre cette justice qu’elle ne tue pas pour le plaisir; elle tue pour que ça lui rapporte.Le fer de Lorraine et le coke de la Ruhr furent l’enjeu de la guerre aux millions de cadavres; l’expropriation des indigènes, la réduction des indigènes à l’état de prolétaires, de producteurs travaillant pour la plus-value sur les terres que jusque-là ils cultivaient librement, tel est le but de toute conquête coloniale; tel fut le but de la conquête de l’Algérie.«Les propriétés des habitants ne recevront aucune atteinte…» Tel était l’engagement solennel qu’avait pris la France, le 5 juillet 1830, en entrant à Alger.
Source :
https://rebellyon.info/La-conquete-coloniale-de-l-Algerie
Voir autre article sur le sujet :
http://islamvraiereligion.over-blog.com/2017/10/la-colonisation-de-l-algerie-par-la-france.html
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Un avis sur « Crimes de la France en Algérie :Emmurements, enfumades et autres crimes »