
Les crises politiques et économiques qui secouent actuellement des pays comme le Soudan et la Tunisie ne peuvent être dissociées des institutions mondiales du capital et des mécanismes d’endettement qu’elles imposent.
Une interview de MAHA BEN GADHA
Les crises politiques et économiques au Soudan, en Tunisie et en Éthiopie ont recentré l’attention sur le Nord et la Corne de l’Afrique, de plus en plus instables. Ces dernières années, la région a été marquée par des révolutions avortées, des coups d’État militaires et la menace imminente d’une balkanisation. Le président tunisien Kais Saied a imposé le règne d’un seul homme, l’armée soudanaise a dissout le gouvernement civil et la guerre du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed contre la région du Tigré menace de déchirer le pays.
Pour tenter d’expliquer cette instabilité, la presse financière internationale a ressorti les poncifs habituels, affirmant que les pays africains ne peuvent pas gérer leurs propres affaires et que les institutions occidentales doivent venir à leur secours. Une fois encore, comme le veut le refrain, il est question de la bienveillance de l’Occident face à la violence et à la corruption de l’Afrique.
Le recueil à paraître La souveraineté économique et monétaire dans l’Afrique du XXIe siècle cherche à remettre en question ces explications. Le recueil est né d’une conférence organisée en 2019 à Tunis par le bureau Afrique du Nord de la Fondation Rosa Luxemburg. Il est édité par un groupe de jeunes économistes africains audacieux, auteurs d’une lettre ouverte enflammée remettant en cause l’orthodoxie économique qui, selon eux, a créé les crises actuelles. Ils espèrent non seulement cartographier la logique du système existant, mais aussi la remettre en question.
Jacobin s’est entretenu avec Maha Ben Gadha, responsable du programme économique au bureau d’Afrique du Nord, pour se faire une idée plus précise des liens entre les intérêts financiers occidentaux et les crises politiques et sociales incessantes en Afrique.
CD : Le Financial Times a récemment admis que les politiques du Fonds monétaire international (FMI) sont à l’origine de la pauvreté et de la crise au Soudan. Pourriez-vous expliquer aux lecteurs comment les institutions internationales comme le FMI contribuent à l’instabilité politique en Afrique du Nord ?
MBG : Les politiques du FMI créent clairement la pauvreté et l’instabilité dans les pays africains. Ce n’est pas seulement parce qu’ils prêtent à des dictateurs ou à des gouvernements corrompus – bien que cela fasse partie du problème. Cela est dû à la nature même de ces politiques, qui imposent des mesures d’austérité à des pays déjà en détresse économique et climatique.
Au Soudan, par exemple, c’est l’insistance du FMI à supprimer les subventions au carburant et au pain en 2018 qui a fait exploser le prix des aliments, des médicaments et des transports. Sa demande à la Banque centrale soudanaise de dévaluer sa monnaie a également largement contribué à la hausse des coûts sur les importations nécessaires à l’agriculture et à d’autres industries. Ces politiques ont augmenté le coût de la vie pour les Soudanais ordinaires et conduisent indiscutablement à davantage d’appauvrissement.
Les politiques du FMI créent clairement la pauvreté et l’instabilité dans les pays africains.
Suite de l’interview :
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