
Les alertes scientifiques sur l’urgence environnementale ne manquent pas, mais force est de constater qu’elles sont peu entendues, y compris par le grand public, et surtout sont peu prises en compte (et encore moins mises en application) dans les décisions politiques. Aujourd’hui, 15 300 scientifiques à travers le monde ont signé un nouvel appel solennel pour la préservation de notre support de vie, pour que l’humanité perdure.
Cet appel collectif n’est pas le premier, en 1992, l’Union of Concerned Scientists et plus de 1 700 scientifiques dont la plupart des lauréats et lauréates du prix Nobel dans les sciences, ont signé le « World Scientists’ Warning to Humanity » (Avertissement des scientifiques du monde à l’humanité). Ces scientifiques avaient alors appelé l’humanité à réduire la destruction de l’environnement et ont averti qu' »un grand changement dans notre gestion de la Terre et de la vie est nécessaire, si l’on veut éviter une grande misère humaine. »
Dans leur manifeste, ils ont montré que les humains étaient sur une trajectoire de collision avec la nature. Ils ont exprimé leurs inquiétudes concernant les dommages actuels, imminents ou potentiels pour la planète Terre : appauvrissement de la couche d’ozone, disponibilité en eau douce, épuisement de la vie marine, mort des forêts, destruction de la biodiversité, changement climatique et croissance démographique continue. Ils ont alors proclamé qu’il était urgent d’apporter des changements fondamentaux pour éviter les conséquences de notre évolution actuelle.
Les limites des écosystèmes terrestres étant atteintes et les scientifiques soulignaient déjà que la population mondiale devait être stabilisée.
Il ne faut pas se mentir : cet appel n’a pas été compris ou considéré à sa juste valeur. Résultat : l’état environnemental de notre planète s’est fortement dégradé au point que de d’éminents scientifiques prédisent tout simplement la fin de l’humanité, l’effondrement de notre civilisation industrielle à très court terme et que la très sérieuse horloge de l’apocalypse est fixée sur 2 minutes 30 avant la fin du monde… Bref, à moins d’un sursaut énergique et responsable, l’Homme a déjà scellé son triste et pathétique destin.
Une nouvelle alerte de la communauté scientifique, 25 ans après le premier avertissement
C’est pourquoi, à l’occasion du 25e anniversaire du premier manifeste, le 13 novembre 2017 a été publié un deuxième avertissement des scientifiques à l’humanité alors que la plupart des indicateurs environnementaux ne s’améliorent pas. Preuve que le constat est quasi unanime : ce sont plus de 15 300 scientifiques à travers le monde qui appuient ce rapport de leur signature.
La déclaration est sans équivoque : « Depuis 1992, à l’exception de la stabilisation de la couche d’ozone stratosphérique, l’humanité n’a pas réussi à faire des progrès suffisants dans la résolution générale de ces défis environnementaux prévus et, de façon alarmante, la plupart d’entre eux deviennent bien pires. Particulièrement troublant est la trajectoire actuelle du changement climatique potentiellement catastrophique en raison de la hausse des GES poussée par la combustion des combustibles fossiles (Hansen et al., 2013), la déforestation (Keenan et al., 2015) et la production agricole – en particulier des ruminants pour la consommation de viande (Ripple et al. 2014). En outre, nous avons déchaîné un événement d’extinction de masse, le sixième en environ 540 millions d’années, où de nombreuses formes de vie actuelles pourraient être anéanties ou au moins condamnées à l’extinction d’ici la fin de ce siècle.
Nous mettons en péril notre avenir en ne résistant pas à notre consommation matérielle intense, quoique géographiquement et démographiquement inégale, et en ne prenant pas conscience de la croissance rapide et continue de la population en tant que principal moteur de nombreuses menaces écologiques et même sociales (Crist et al., 2017). Faute de limiter adéquatement la croissance de la population, réévaluer le rôle d’une économie enracinée dans la croissance, réduire les gaz à effet de serre, inciter les énergies renouvelables, protéger l’habitat, restaurer les écosystèmes, mettre fin à la défaunation et contraindre les espèces exotiques envahissantes, l’humanité ne prend pas les mesures urgentes nécessaires à sauvegarder notre biosphère en péril. »A lire sur ce sujet :
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Soulignons que deux « tabous » tombent :
- nous sommes trop nombreux sur Terre : nous devrions « limit[er] notre propre reproduction (idéalement au niveau de remplacement au plus) », d’autant plus que nous sommes motivés par le besoin de consommer tout et n’importe quoi ;
- il faut « diminu[er] drastiquement notre consommation par habitant de combustibles fossiles, de viande et d’autres ressources. » La consommation de viande est plusieurs fois citée comme faisant partie intégrante du problème.
Les principales mesures urgentes à prendre pour soulager notre support de vie
Enfin, le manifeste énumère les principales actions qui doivent être mises en oeuvre pour éviter l’effondrement de notre civilisation :
- « prioriser la mise en place de réserves connectées, bien financées et bien gérées, pour une proportion significative des habitats terrestres, marins, d’eau douce et aériens dans le monde ;
- maintenir les services écosystémiques de la nature en arrêtant la destruction des forêts, des prairies et d’autres habitats naturels ;
- restaurer les communautés de plantes à grande échelle, en particulier les paysages forestiers ;
- renaturaliser des régions avec des espèces natives, en particulier des prédateurs apex, pour rétablir les processus et la dynamique écologiques ;
- élaborer et adopter des instruments politiques adéquats pour remédier à la défaunation, au braconnage et à l’exploitation et au trafic d’espèces menacées ;
- réduire le gaspillage alimentaire grâce à l’éducation et à une meilleure infrastructure ;
- promouvoir des changements alimentaires surtout vers des aliments à base de plantes ;
- réduire davantage les taux de fécondité en veillant à ce que les femmes et les hommes aient accès à l’éducation et aux services volontaires de planification familiale, en particulier là où ces ressources manquent encore ;
- renforcer l’éducation en plein air pour les enfants ainsi que l’engagement global de la société dans l’appréciation de la nature ;
- réorienter les investissements financiers et diminuer la consommation pour encourager des changements environnementaux positifs ;
- concevoir et promouvoir de nouvelles technologies vertes et adopter de manière massive des sources d’énergie renouvelables, tout en supprimant progressivement les subventions à la production d’énergie par des combustibles fossiles ;
- réviser notre économie pour réduire les inégalités et veiller à ce que les prix, la fiscalité et les systèmes incitatifs tiennent compte des coûts réels que les modes de consommation imposent à notre environnement ;
- estimer une taille de population humaine scientifiquement défendable et durable à long terme tout en rassemblant les nations et les dirigeants pour soutenir cet objectif vital. »
Des mesures de bon sens qui sont indispensables pour « éviter une misère généralisée et une perte de biodiversité catastrophique (…) Cette prescription a été bien formulée par les plus grands scientifiques du monde il y a 25 ans, mais, à bien des égards, nous n’avons pas tenu compte de leur avertissement. Bientôt, il sera trop tard pour dévier de notre trajectoire défaillante, et le temps s’épuise. Nous devons reconnaître, dans notre vie quotidienne et dans nos institutions gouvernementales, que la Terre avec toute sa vie est notre seul foyer. »
Un avertissement solennel avant la fin de notre monde, signé par 15 364 scientifiques dans 184 pays et qui appel tout les citoyens du monde à le rejoindre. Que faut-il de plus pour que le grand public et les décideurs prennent conscience de l’urgence ? N’en soyons pas émus et mettons-nous au travail, chacun à notre niveau
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